jeudi 12 avril 2007

Quand les Chinois dominaient Cuba

Pour la première fois, la Cubaine Zoé Valdés secoue son arbre généalogique du côté de ses ancêtres chinois. Un vrai livre des merveilles.

« JE ME suis souvent demandé ce que je devrais faire du restant de ma vie et maintenant je le sais : j'essaierai d'arriver à Cuba », écrivait Hemingway. Quelques années avant lui, une famille d'intellectuels du Sichuan prononce la même prière. Et se lance dans une longue odyssée, à cheval, en barque et le plus souvent à fond de cale. Un voyage capable de vous rendre amnésique, esclave ou brillant avocat, selon ses caprices.

Cette aventure est celle des ancêtres de Zoé Valdés qui, pour la première fois, secoue son arbre généalogique pour en récolter les fruits. Si on retrouve la veine lyrique et sensuelle qui irrigue son oeuvre, son verbe provocant et son exubérance se sont assagis, comme domptés par cette épopée incroyable. Au début du XXe siècle, Li Ying, un chanteur d'opéra passé de mode et humilié par le déclin culturel de la Chine, doit choisir : la misère ou l'exil.

Une histoire entourée de magie

Sur un cheval à la crinière bleutée et avec pour seule compagnie la natte de cheveux de sa femme, il part pour Cuba. Le voyage ne se passe pas exactement comme prévu. Agressé par des bandits de grand chemin, Li Ying perd la mémoire à jamais. Oubliés, sa vie d'antan, son épouse tant aimée, ses trois enfants.

Quand il débarque à Cuba, il s'invente un patronyme, fonde un nouveau foyer, sans savoir qu'en Chine sa famille se languit de lui. Mo Ying, son fils aîné et grand-père de l'auteur, part à sa recherche. Il suit la route de la soie, traverse des déserts, connaît des amours aussi fugaces qu'intenses, soigne les stigmates de son voyage avec du nectar d'or. Il rencontre des femmes aux pieds si petits que leurs pas en deviennent des danses divines. Croise des vagabonds, pour lesquels la vie vaut bien moins cher qu'un cheval en bonne santé.

Toute la beauté du roman de Zoé Valdés est concentrée dans ces pages, qui rappellent le Livre des merveilles de Marco Polo. L'histoire de ce grand-père du bout du monde est entourée de magie, de fables ésotériques. Une fois à Cuba, Mo Ying, rebaptisé Maximiliano Megía, retrouve son père amnésique qui l'aimera « comme un fils », et fait venir sa mère et ses soeurs.

L'histoire ne s'arrête pas là. Maximiliano, qui vécut plus de cent ans, eut presque l'éternité pour en écrire la suite, sur ­d'in­nom­­brables cahiers. Jusqu'à ce que sa petite-fille prenne le relais.

ASTRID ELIARD.

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