mercredi 31 janvier 2007

Six mois après le retrait de Fidel, un débat frémit à Cuba

Six mois après que Fidel Castro a délégué "à titre provisoire" ses pouvoirs à son frère Raul, des signes timides d'ouverture se font jour à Cuba.

Depuis octobre, les médias, contrôlés par l'Etat, diffusent des articles concernant des détournements et des vols au sein d'entreprises publiques et d'autres déficiences de l'économie cubaine dont la mention était naguère impensable.

Dans des déclarations publiques inhabituelles, des intellectuels cubains ont dénoncé pour leur part la réapparition des censeurs responsables il y a trente ans des listes noires d'écrivains et d'homosexuels.

Le gouvernement a reconnu avoir commis une erreur et autorisé quelque 400 écrivains et artistes à participer mardi à une réunion sans précédent consacrée aux purges culturelles des années 1970.

Ce nouveau climat survient sur fond de profonde incertitude sur l'avenir de Cuba.

Fidel Castro, le dernier des acteurs majeurs de la Guerre froide encore au pouvoir, est absent depuis six mois des suites "d'une crise intestinale violente accompagnée de saignements continus, qui [l'] a contraint à subir une opération chirurgicale compliquée".

Depuis ce communiqué officiel du 31 juillet, dans lequel il organisait la délégation de ses pouvoirs, les rumeurs vont bon train sur l'état de santé véritable du chef de file de la révolution cubaine, qui est âgé de 80 ans.

Le pouvoir cubain insiste. Fidel se remet lentement mais reprendra les rênes d'une nation qu'il a conduite sans interruption depuis la révolution de 1959.

Mardi soir, la télévision cubaine a diffusé un nouvel enregistrement vidéo où on le voit s'entretenant avec son allié vénézuélien, Hugo Chavez. Il est encore frêle mais semble avoir repris des forces par rapport aux précédentes images diffusées par le pouvoir, en octobre.

De nombreux Cubains doutent cependant qu'ils reverront un jour Fidel Castro dans son uniforme militaire, à la tribune, lancé dans un discours marathon.

UN POUVOIR PLUS COLLECTIF ?

Son frère Raul, de cinq ans son cadet, assure l'intérim. Naguère considéré comme un communiste radical, celui qui s'était élevé avec virulence en 1996 contre une "glasnost" à la cubaine semble aujourd'hui pencher en faveur d'une "version tropicale" du modèle chinois d'ouverture économique, sans ouverture parallèle sur les droits individuels ou les libertés politiques.

Pour les spécialistes du régime, Raul, s'il n'a pas le charisme de son frère, tient fermement le pouvoir et gouverne sur un mode très différent, partageant les responsabilités et déléguant à d'autres dirigeants la représentation de Cuba lors de manifestations internationales.

Quand Fidel monopolisait l'espace public, Raul apparaît rarement en public; ses prises de parole sont encore plus rares.

"Le pouvoir est devenu plus collectif. Il n'est plus centré sur une seule personne. Cuba est géré de façon plus rationnelle, avec moins d'agitation politique", note Oscar Espinosa Chepe, écrivain et économiste dissident.

"Ce qu'il y a de bien avec Raul, c'est qu'il a une capacité d'écoute", relève sous le couvert de l'anonymat un autre économiste cubain qui souligne que le dirigeant intérimaire a commandé des études sur les moyens de relancer l'économie ou d'accroître la production alimentaire sans exclure la propriété privée des outils de production.

Raul a surpris les Cubains en les incitant à plus de discussions sur les politiques du gouvernement et en appelant à une gestion plus transparente de l'Etat. Le pays, a-t-il dit, est fatigué des excuses et des retards, par exemple dans le paiement des agriculteurs indépendants qui fournissent 60% de sa production.

"Raul s'est attaché à abandonner la quête de boucs émissaires que pratiquait Fidel. Au contraire, il admet que les problèmes de la révolution sont sérieux et d'origine interne", estime Brian Latell, ancien analyste de la CIA et auteur d'"After Fidel", un ouvrage consacré à la succession du leader cubain.

"Chaque jour, davantage d'intellectuels prennent la parole et à Cuba c'est une nouveauté", dit Espinosa Chepe. Mais, ajoute le dissident, les réformes économiques voulues par la plupart des Cubains sont trop lentes à venir - le salaire moyen est de 17 dollars. "Pour le moment, Cuba est stable mais il y a un fort mécontentement dans les rues."

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